LE CAPARAÇON

 

 

C’est l’histoire d’un mec, d’un type, d’un quidam…

En fait le gus il écrit des trucs et des machins depuis tout petit déjà. Bêtement, malgré son âge respectable, l’Utopiste aspire toujours à la publication de ses fadaises sous le prétexte futile qu’il pense écrire correctement des choses non dénuées d’intérêt. Vous dire la naïveté du bonhomme ! Il estime le lecteur point trop fainéant capable de s’emparer de son texte, de l’empoigner à bras le corps, à bras le cœur, à bras la tête ou à bras l’âme, selon la teneur du paragraphe, voire de le kidnapper pour se l’approprier, en extirper la substantifique moelle (si tant est qu’elle existe).
Lui, il y croit.

Le type, vachement confiant, optimiste à hurler, faute d’une réponse positive, en l’attente d’un éditeur pas trop borné ni trop « formaté marketing », décide de bâtir un site, une vitrine qui présenterait les différents aspects de son écriture. Afin de lui donner la dimension qui lui manque, il sollicite son complice de voyage, le surnommé Troubadour auquel il demande d’enregistrer La chanson qui évoque le mieux la saveur de La Route, chanson enluminée de sa somptueuse guirlande instrumentale émanée de la « Belleàsixcordes ». En d’autres temps les airs et chansons du Troubadour bercèrent le Voyage du Pèlerin (comprenne qui lira – peut-être un jour – « Silhouette ou les miroirs de l’Asie »).

« Chacun sa route, chacun son chemin… ».
Les deux amis ne se sont pas géographiquement retrouvés depuis plus de deux décennies mais communiquent régulièrement sur le net via Skype (pub non facturée vu que Skype-vidéo est gratuit). Miracle de la technique, Internet, donc, permet ce prodige : que deux personnes distantes qui furent très proches parce que intimement liés par la même aventure se retrouvent et communiquent en direct sous forme d’entités, voire d’ectoplasmes, sur un écran d’ordinateur…

Mais que vient faire le caparaçon – intitulé du présent écrit – dans cette histoire ? Me rétorquerez-vous avec pertinence, voire impatience. J’y arrive.
A l’origine le caparaçon nommait une pièce de tissu épaisse destinée à recouvrir les chevaux lors des cortèges ou des combats. Aujourd’hui il désigne la protection du cheval que monte le picador lors des corridas pour lui éviter l’éventration (au cheval, pas au picador). De nos jours, composé d’une épaisse couche de feutre recouverte d’une couche de cuir, le caparaçon évoque l’aboutissement de la protection corporelle, fût-elle celle d’un cheval.
Imaginez une sorte de manteau très-très épais. Ça y est, vous visualisez ?

Bien… bien…

Ce jour d’hier le Troubadour dispensa à l’ectoplasme de son ami trois heures de musique « skypérisée », agglomérat de ses compositions récentes, de ses anciens hymnes issus de La Route, liés par l’improvisation propre au musicien qui excelle en cet art. L’ectoplasme JPM, emporté, puis transcendé par la musique vécut un indicible moment. Je vais toutefois tenter de l’exprimer.
Sous le flot continu des notes, entre sac et ressac, sans le moindre recours à une quelconque substance – je précise ! – (sinon quelques verres de rosé), tandis que la danse incessante des mélodies poursuivait son essors, mon esprit réjoui atteignit ce lieu improbable ou zénith et nadir se confondent. Alors JPM saisit à pleine main le caparaçon des années qui l’emprisonnait, s’en débarrassa comme on ôte un lourd et oppressant manteau, vêtement constitué des strates successives qui l’éloignaient de La Route. L’espace de quelques séquences de guitare électrique inspirée JPM réintégra son corps, son cœur et son esprit de jeune adulte exposé aux péripéties du Voyage. Le miracle s’opéra : comme aspiré par les trilles de la mélodie, traversant les années à rebours – l’imagination en apothéose, sans doute – lors d’une brève aberration temporelle, incursion dans le passé, j’étais assis au Thaï Song Greet, hôtel-restaurant minable de Bangkok qui résonnait alors de la réjouissante musique du Troubadour.
Bien sûr le caparaçon se referma ensuite inexorablement, rajoutant à l’auteur désabusé les strates dont il s’était pour un temps débarrassées. Mais, l’espace d’un flash », j’y étais…

Ainsi va la vie : les strates et l’aveuglement des années s’accumulent sur l’âme de l’enfant, isolant inéluctablement l’adulte de sa vérité originelle. Jour après jour se tisse le caparaçon qui, le dernier jour, servira de linceul à nos âmes d’enfants.

Mais foin d’évocations mélancoliques, la musique inspirée du Troubadour viendra bientôt enrichir le site, ajoutant à la foire aux mots le festival des notes !

J’espère que les incorruptibles parmi mes « amis » face book, ceux qui n’ont pas cédé à la vile tentation de venir feuilleter mes pages, viendront y savourer la musique.

Petite réflexion : j’aime bien, parfois, au cours de mes élucubrations, user de mots surannés ou d’expressions désuètes, même si mes jeunes lecteurs (y en a-t-il ?) ne les comprennent pas. Ce peut être une invitation au dictionnaire.

Allez, joyeuse fête à tous car c’est notre fête aujourd’hui : la fête des cloches. Certes la saillie n’est pas neuve, mais bon…

 

                                                                                                                                      JPM

 

***