LETTRE D’UN RETRAITÉ EXASPÉRÉ À UN PRÉSIDENT EXASPÉRANT
ET ARROGANT QUI DEVAIT GOUVERNER AUTREMENT
Monsieur le président,
Je vous fais une lettre que vous ne lirez pas, car elle ne vous parviendra pas.
― À quoi bon l’écrire, alors ?
M’objecteriez-vous avec votre pertinence habituelle, sur ce ton mi narquois, mi condescendant que vous chérissez tant, si, malgré tout, vous aviez connaissance de ma démarche.
― Et pour parler de quoi ?
Ajouteriez-vous, un rien sarcastique.
Pour évoquer, en vrac, non pas le cumul des mandats mais le cumul des raisons qui aboutit à l’exaspération annoncée. Un profond désenchantement m’accable, qui vire à la colère à présent, quand seulement j’entends prononcer votre nom. Cette colère, à défaut de pouvoir l’endiguer, pour me préserver d’éventuelles séquelles, il me faut l’évacuer. Qu’elle n’anéantisse pas ce reliquat d’optimisme béat qui s’obstine au fin fond de moi.
Retraité et ravi de l’être, je ne puis toutefois espérer connaître cette ère d’une humanité pacifiée et heureuse que pressent mon optimisme (un rien utopiste en plus de béat). S’il pressent cette ère là, mon optimisme, il ne va pas jusqu’à la croire imminente mais la sait fort lointaine. Je souhaite donc vivre tranquille maintenant, loin des fracas du monde, sans toutefois me désintéresser de son sort. Malgré les catastrophes récurrentes, les épidémies ravageuses, les guerres immondes et les odieux attentats qui endeuillent la planète, malgré la vilenie, l’indigence ou l’incompétence des divers dirigeants qui régissent la plupart des sociétés humaines, j’y parvenais tant bien que mal.
Mais voilà, venu de nulle part à la suite d’une trahison, en 2017 vous êtes arrivé au pouvoir, jeune président d’un vieux pays. Mon premier sentiment fut la surprise, mon second la curiosité, mon troisième l’espoir – malgré tout. Puis arriva la déception, relayée par la consternation qui, elle, engendra la colère. Gros naïf que je suis, j’en porte une part de responsabilité ! La naïveté est le maillon faible de l’optimisme ; alors, malgré la preuve flagrante de votre déloyauté décomplexée, j’ai voté pour vous ! Et, je le confesse et m’en repens : dès le premier tour ! La gauche était en lambeaux (elle l’est toujours). Je ne voulais à aucun prix être gouverné par le châtelain hautain, âpre au gain et droit dans sa droite qui, avant de se faire prendre la main dans le sac, menaçait de l’emporter. Les outrances et le total rejet de l’union européenne revendiqué par l’ex socialiste désormais insoumis m’inquiétaient quant à sa fiabilité. Le candidat auquel j’accordais ma confiance n’avait qu’une infime chance de figurer au second tour, malgré (ou à cause de ?) sa compatibilité écologique et son projet de revenu universel.
En désespoir de cause j’ai misé sur vous, sans trop connaître votre programme. J’avais, bien sûr, perçu quelques échos étonnants comme cette lubie de vouloir supprimer l’ISF ; mais bon… Plus que pour vous, j’ai voté avant tout contre le châtelain hautain. Et puis j’ai pensé, naïvement je le répète : celui-là est encore jeune, il a l’air d’être de bonne volonté, il n’est vraisemblablement pas trop con, il sera capable de reconnaître ses erreurs et de renoncer à ses propositions les moins pertinentes. Ce « et de droite et de gauche », si habilement brandi et suggéré au point d’être perçu « ni droite ni gauche » m’a, à ma grande honte rétrospective, quelque peu séduit, voire hypnotisé façon mantra. La naïveté me perdra !
Quels prétendants à la fonction présidentielle restaient en présence lorsque arriva le second tour ? D’un côté : un homme encore jeune, d’allure dynamique, qui promettait de se situer en dehors des critères « droite » et « gauche » habituels et, en même temps, de gouverner « autrement ». Prêt à « casser la baraque » en quelque sorte. En face : une grande bourgeoise réactionnaire, percluse d’idées nauséabondes et résolument rétrogrades, solidement campée dans ses convictions extrêmes à forts relents d’intolérance, empestant les remugles de la xénophobie qui l’accompagne. Prête à barricader la France. La dame nous gratifia d’une prestation infiniment grotesque lors du débat d’entre deux tours. Sans la moindre hésitation, j’ai voté, une fois encore… contre la dame. En conséquence, vous avez obtenu ma voix une seconde fois. Un grand nombre de nos concitoyens ont eu, soyez en convaincu, avec des « premiers choix » différents, la même démarche au second tour.
Après avoir trahi votre prédécesseur (qui vous avait accueilli dans son gouvernement), vous avez été élu façon Jean-Claude Dusse : sur un malentendu. Pas sur votre programme, quoi que vous en pensiez et comme vous ne cessez de le répéter : « Je n’ai pas oublié que j’ai été élu sur un prôjet, sur de grandes orientations auxquelles je demeure fidèle » vous obstinez-vous dans votre lettre adressée aux Français. Mais non vous n’avez pas été élu sur un projet ! Votre victoire du second tour est la conséquence d’un réflexe de salubrité publique, soyez-en persuadé. La même configuration s’est présentée aux présidentielles de 2022 et, bien que j’avais envisagé, en ce cas, de me désintéresser du sort de la France et de ne pas voter au second tour, face au désastre prévisible en cas de victoire de la collectionneuse de chats, j’ai craqué.
Quel personnage ai-je contribué à élire et réélire, pour qu’il déclenche ainsi ma colère ? Une colère inutile, qui ne changera rien aux manigances politiciennes, je ne l’ignore pas. Ma crédulité ne va pas jusque-là. Pourquoi un tel courroux ? La réponse se trouve dans l’évocation du début de votre premier quinquennat. Il n’a pas fallu longtemps pour que l’ivresse du pouvoir vous monte à la tête ! L’homme encore jeune, qui me semblait pondéré, ne s’est pas cru sorti de la cuisse de Jupiter, il s’est pris pour Jupiter ! – supposé roi des dieux et des hommes. De Gaulle lui-même n’aurait pas osé ! Il se contentait, je suppose, dans son for intérieur, de se prendre pour Jeanne d’Arc, voire même pour De Gaulle. Mais lui avait « sauvé la France ».
Jupiter, dès lors, devint incontrôlable. Et que je te vous balance des discours tricotés avec des mots résolument obsolètes, garnis d’expressions déjà tombées en désuétude du temps de mes grands-parents, tel cet ahurissant : « c’est de la poudre de perlimpinpin ». Dans quel but ? Lancer la mode du langage rétro ? Et que je te vous tiens d’improbables causeries, émaillées d’expressions façon djeuns ou estampillées peuple, tissées de mots canailles – tel l’indémodable « déconner » – destinés, sans doute, à affirmer le côté ado rebelle qui sommeille en lui ? Une avalanche de termes érudits parfois, telles des truffes fichées dans un bloc de foie gras (ou de pâté de foie ?), enjolivent certains discours. Histoire de rappeler son « énarquerie » je suppose ? Que dire aussi de cette merveille d’ésotérisme que constituent ses palabres lorsqu’il endosse le costume de geek sur la scène informatique ? Bref, quel que soit le registre, des propos souvent incompréhensibles pour les non-initiés. Cette manie aussi, lors de ses interventions pendant le « grand débat national » de s’adresser à ses interlocuteurs en les appelant « les enfants ». On croit rêver. Il se prend pour le père de la nation à présent ? Notons qu’il ne se permet pas cette familiarité quelque peu arrogante lorsqu’il s’adresse « au gratin des intellectuels agréés par le système ».
Si je m’attarde à des détails c’est pour tenter de saisir les caractéristiques dominantes de votre personnalité. N’est-elle pas la principale responsable des décisions malencontreuses que vous avez prises ou que vous avez fait prendre par vos ministres et premiers ministres successifs ? Les plus malencontreuses de toutes : la réforme des retraite et la loi sur l’immigration, vous les confiâtes à votre première ministre, Élisabeth la taciturne qui tint en respect l’assemblée nationale durant 20 mois, dégainant son arme 23 fois avant de confier (soumise à votre décision) son calibre 49/3 à Gabi The Kid durant une étourdissante séquence d’autosatisfaction, exercice habituel au sein de vos troupes.
Que dire de votre formation ? Façonné dans la tradition par la main de fer des Jésuites, pétri et arasé par les deux mains expertes de Sciences Po, poli enfin par la dextre inflexible de l’ENA, vous appartenez à l’élite de la nation, comme on vous l’a si souvent seriné. Votre brillant parcours, nul ne vous le conteste. Mais comment définir la nature de l’élite que vous représentez ? Où vous situez-vous dans la sphère intellectuelle ? Tête bien faite ? Tête bien pleine ? Ou tête bien conditionnée ? À quoi correspond le diplôme que l’ENA vous a délivré, sinon à un super « label de conformité » ? Ces écoles vous ont formaté, forgé comme un précieux rouage minutieusement calibré. Consécration suprême, elles vous ont reconnu apte à servir la machine bien huilée de l’idéologie dominante et vous ont intronisé (à votre insu ?) valet en chef des lobbies qui gouvernent la planète. Vous fîtes vos armes à la banque Rothschild ; vous êtes, pour ces lobbies, une recrue de choix. Ils vous ont porté à la présidence. Afin de remercier les véritables artisans de votre victoire, je présume, vous vous empressâtes de supprimer l’ISF. Même Sarkozy n’avait pas osé durant les cinq longues années de son quinquennat, alors que ça le démangeait terriblement ! Si ! Si ! Supprimer. Le reliquat qui subsiste de cet impôt défunt ne sert qu’à cacher la merde au chat (expression en même temps triviale et surannée : elle devrait vous plaire). Face à l’impatience des lobbies, vous avez même hâté cette suppression prévue en 2019 en même temps que la disparition – progressive, elle –, de la taxe d’habitation. Tragique erreur de jugement et de stratégie qui, avec l’augmentation des taxes sur les carburants, a contribué à l’exaspération du peuple, à l’apparition et à la multiplication des « gilets jaunes ».
Petite anecdote sans incidence autre que le ridicule de la situation, inquiétante toutefois quant à votre personnalité : que dire de votre comportement face au « péril orange », cet irascible individu gavé de hamburgers (au foie gras?), abruti de testostérone, parangon du capitalisme sans foi ni loi ? Et que je te lui serre la main interminablement en un simulacre de « bras de fer », assaut de virilité tant inattendu que déplacé, et que je te le prends par le bras, et que je lui tape dans le dos… C’est quelque peu inquiétant de voir deux chefs d’états jouer à qui a la plus grosse ou à se faire des mamours, non ?
Si certains aspects de votre comportement prêtent à rire (jaune), vos choix politiques souvent me déconcertent et parfois me consternent. Après moultes péripéties, vous avez permis que soit votée une loi sur l’immigration, loi inique issue d’une droite dure dure dure (au point d’en être cassante), loi qui fait fi du droit des étrangers, voire carrément des droits humains, loi inspirée en droite ligne de l’extrême droite et, droit dans vos « Weston », vous approuvez cette loi sans sourciller, arguant qu’elle était attendue par le « peuple ». Quant à votre réforme des retraites, je n’ai pas souvenance qu’elle ait été attendue par le « peuple », elle ? Il me semble même qu’une très forte majorité du « peuple » y était hostile. Selon les circonstances vous-vous revendiquez de l’opinion publique ou vous la piétinez allégrement pour faire passer de force votre très impopulaire réforme des retraites. « Et de droite et de gauche » qu’il disait ! En terme de marine on appelle cela louvoyer. Mais vous ne louvoyez plus, vous avez mis résolument la barre à tribord toute. Cap sur les rives de la droite extrême qui, elle, dérive inéluctablement vers l’extrême droite (ce qui ramène à la marine).
― En quoi mon traitement des retraités se montre-t-il injuste et méprisant ?
M’objecteriez-vous avec humeur.
Que la « valeur travail » soit une réalité économique, je ne le conteste pas. Mais il convient de redonner au travail sa vraie place dans la vie de chacun. Vous et vos semblables, politiciens de tous bords, n’avez de cesse de vanter les mérites du travail, supposé constituer l’activité primordiale, voire la raison d’être de l’humain. En ancien Français « traveillier » signifiait : faire souffrir. L’ancêtre latin de travail : tripalium, désignait un instrument de torture à trois pieux. C’est dire en quelle estime les Romains tenaient le travail ! C’est pourquoi ils le laissaient aux esclaves. En total désaccord avec eux, « résistant encore et toujours à l’envahisseur », vous louez les mérites du travail et opposez les actifs, bénéfiques au pays, aux inactifs, nuisibles parce que – selon vous – inutiles au pays. Deux catégories de citoyens, inactives selon votre définition, se trouvent dans votre collimateur : les chômeurs et les retraités.
« Je pense toujours que la lutte contre le chômage doit être notre grande priorité », affirmez-vous dans votre lettre aux Français, mais vous ne luttez pas contre le chômage. Vous baissez les charges des entreprises et comptez sur leur bon cœur pour créer des emplois sans exiger d’elles la moindre contrepartie. Quelle farce ! Seriez-vous naïf, vous aussi ? Une naïveté sélective car, à l’instar de votre grand ami l’ex président Sarkozy, vous ne luttez pas contre le chômage mais contre les chômeurs que vous stigmatisez, soupçonnant nombre d’entre eux de se laisser vivre et de profiter du système. Alors, votre gouvernement envisage et concocte à leur encontre toutes les représailles possibles. Vous augmentez la durée de travail permettant, après licenciement – le plus souvent brutal et rarement désiré –, de toucher le chômage, vous diminuez rapidement le montant et la durée des prestations. L’un de vos plus zélés ministres (ministre du « pognon de dingue » ou des finances ?) souhaite même – en toute indécence – accorder la durée des prestations dues aux « seniors » chômeurs à celle des plus jeunes, c’est à dire à la raccourcir alors que les entreprises n’embauchent plus les « seniors ». Aux chômeurs qui doivent se contenter du RSA vous voulez à présent imposer quinze à vingt heure d’activités hebdomadaires (travail gratuit ou largement sous payé vu le montant du RSA). Le comble : vous affirmez aux chômeurs qu’ils n’ont qu’à « traverser la rue » pour trouver du travail. Pensez-vous qu’un chômeur doive accepter le premier travail venu même mal payé, même très éloigné de son lieu d’habitation, même s’il ne correspond ni à son goût, ni à ses aptitudes (physiques ou intellectuelles), ni à sa personnalité ? Le feriez-vous ?
Quant aux retraités : ces parasites qui ne branlent rien… Oups ! Je voulais dire : ces gens âgés, payés à ne rien faire, qui ont le mauvais goût de s’attarder (ça, vous ne le dites pas mais vous le pensez tellement fort que nous l’entendons), souvent mieux payés que les actifs (ça, vous ne manquez pas de l’ajouter quand vous en parlez, soulignant qu’ils sont privilégiés par rapport à beaucoup de jeunes travailleurs). En l’occurrence vous vous trompez de cible. Si comme vous le prétendez certains retraités sont mieux payés que beaucoup de jeunes travailleurs, vous ne devez pas stigmatiser les retraités qui n’y peuvent rien mais bien les employeurs qui paient mal leurs employés, ne croyez-vous pas ? L’idée ne semble pas même vous effleurer. Par ailleurs je vous rappelle que les retraités actuels furent des actifs et qu’ils ont, eux aussi, en leur temps, financé les pensions des retraités d’alors.
L’idée, dans l’air du temps, que les « enfants gâtés du baby-boom » sont tous devenus des vieillard(e)s nanti(e)s après avoir vécu grassement l’âge d’or des trente glorieuses, cette idée erronée vous vous en emparez sans vergogne, empaquetant indistinctement toute une génération dans le même sac. Allez hop ! Emballé c’est pesé ! Je vous fais le lot à 20€ ! C’est donné ! Était-il nécessaire de réformer le système des retraites ? Ça n’était pas l’avis du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) dont le président a déclaré qu’il n’y avait aucune urgence à réformer le régime des retraites alors que votre gouvernement jouait la partition de l’urgence. Pierre-Louis Bras (ex président du COR) se confronta pourtant à l’urgence de la retraite (la sienne) : comme son opinion déplut à Jupiter, il fut démis de ses fonctions – qu’il occupait depuis 9 ans. Vous la vouliez absolument cette putain de réforme ! Mais était-il indispensable, en sus, de jeter l’anathème sur les retraité(e)s ? Pourquoi n’envisager que de repousser encore et encore l’âge légal du départ en retraite ou de diminuer les pensions ? Vous deviez gouverner « autrement », non ? Alors, pourquoi toujours envisager les mêmes mesures négatives, ressenties comme punitives (parce qu’elles sont punitives précisément) par une grande majorité de la population, que ce soit en matière de retraite, de chômage ou d’écologie…
Votre lubie de vouloir tout réformer pèse à présent comme une menace car la devise : « Chacun pour soi, tout pour les riches » semble être le moteur de vos réformes. Allez chercher l’argent où il se trouve ! Rétablissez l’ISF, interdisez (par des lois dissuasives) les salaires astronomiques à ces pauvres grands patrons obligés de licencier ou de n’accorder aucune augmentation à leurs employés pour pouvoir financer leurs salaires ou leurs retraites chapeau ! Interdisez les « licenciements boursiers » aux entreprises prospères harcelées par leurs actionnaires ! Diminuez le train de vie de l’État, récupérez les sommes considérables perdues dans l’évasion fiscale. Ensuite seulement, si la honte ne vous l’interdit pas, vous oserez amputez les APL de 5€.
Les retraités – j’y reviens – genre « premiers de cordées » (selon vos critères) vivent dans l’aisance, voire l’opulence, je vous l’accorde ; mais ils sont une minorité. Rarement retraités avant les derniers sacrements d’ailleurs car, eux, n’ont pas traversé la rue pour trouver du travail. Ils se sont épanouis en milieu protégé, ont pu étudier hors tous dangers pécuniaires, ont choisi et exercé des professions confortablement rémunérées. Ils ont œuvré pour et nul ne peut les en blâmer. Leurs fonctions ne les ont pas trop détruits physiquement – sauf possibles avaries digestives côté foie et estomac – ni ne les ont trop épuisés psychologiquement, car ils n’ont pas ou peu subi la pression de l’entreprise ; ils l’ont souvent imposée.
Que dire des politiciens qui, eux, ont longtemps profité du cumul des mandats et qui disposent toujours d’un régime de retraite scandaleusement avantageux en regard des citoyens ordinaires, tout en restant actifs jusqu’à un âge avancé ? Enfin, actifs, façon de parler. Il suffit de regarder les séances de l’assemblée ou du sénat, d’y constater l’absentéisme, de compter le nombre d’endormi(e)s parmi les participant(e)s, pour se convaincre que l’activité sieste y est largement pratiquée. Et quand ils ne dorment pas, les sénateurs, en toute obscénité ces nantis votent une loi pour supprimer l’aide médicale à « ceux qui ne sont rien ». Pardon : à ceux qui n’ont rien. Curieusement, s’ils veulent la suppression des régimes spéciaux de retraite, il n’est pas question de remettre le leur en cause.
« Premiers de cordée » et élus professionnels s’épanouissent au travail. Grand bien leur fasse.
Ne voyez en mes propos nulle jalousie de ma part. Je n’ai pas « traversé la rue ». J’ai fait la fac buissonnière puis j’ai emprunté les routes, les chemins, les sentiers du monde en suivant des itinéraires très éloignés des sphères de la finance et du pouvoir. J’ai ensuite exercé une profession qui me convenait d’autant plus qu’elle n’avait aucun but commercial. Métier intéressant mais délicat et psychologiquement fatiguant. J’ai ainsi pu prétendre à une modeste retraite – pour cause d’annuités insuffisantes – et n’en éprouve aucun regret. Ma petite retraite, merci toutefois de ne pas me la reprocher ni me l’amputer !
Retraité exaspéré : l’inquiétude :
Établis sur une base intangible – semble-t-il –, les rapports sociaux comme les rapports humains s’organisent sur le mode : dominant-dominé. La soumission à ce fonctionnement, perçu comme une fatalité, permet les dictatures, autorise l’injustice, motive le machisme et justifie la lutte des classes. L’humanité, depuis les origines, se trouve irrémédiablement coincée dans un schéma à la fois bourdieusien et darwinien, aire de jeu favorite des politicien(ne)s. Vous-même exploitez à merveille les inépuisables ressources de ce système avec une délectation non dissimulée. Vous glorifiez les « premiers de cordée » tandis que vous dédaignez « ceux qui ne sont rien ».
Mais « ceux qui ne sont rien » se sont rappelés à votre bon souvenir en 2018. Si elle ressemble à la « fièvre jaune » qui a contaminé alors le bon peuple de France, ma colère ne cautionne ni les slogans haineux ni les violences et dégradations qui l’ont parfois accompagnée. Elle constate cependant, navrée, que seules la violence et la destruction ont amené votre gouvernement à prendre en compte ce mouvement. Une « prise en compte » éphémère d’ailleurs car que sont devenus, cinq ans après, les cahiers de doléance que vous aviez promis de rendre publics ? Il a fallu que la violence et la destruction s’immiscent dans les manifestations – disais-je – pour infléchir l’extrême rigidité de votre premier ministre d’alors. La vôtre aussi d’ailleurs. Seul le rapport de force, lorsque vous le sentez défavorable, peut – semble-t-il – influer sur votre politique. Vous n’êtes pas le premier président à agir de la sorte, certes, mais vous deviez gouverner « autrement », non ?
Aurais-je dû manifester parmi les « gilets jaunes », puisque la plupart n’étaient ni des boules de haine ni des casseurs invétérés ? Bien que conservé en bon état de marche, je ne m’en suis senti ni la ferveur, ni la vélocité nécessaires. Jadis, j’arrivais à semer les CRS hargneux qui couraient à mes basques. La force de frappe et la maladresse de vos policiers actuels risqueraient de me dissuader de manifester (c’est bien leur but ?) si je n’avais déjà préféré le traitement de texte au macadam. Comme le maître en sagesse que vous êtes le préconisa avec tant d’à-propos, j’ai fait preuve « d’une forme de sagesse ». Pas eu envie de me faire jeter à terre par un policier agressif, surtout !
Rendez vous compte que vos forces de l’ordre furent réduites à mettre à terre une dangereuse militante d’Attac, vieillarde hautement agressive qui brandissait véhémentement un drapeau ! Car oui, malgré les dénégations formelles et prématurées – contredites ensuite par la vidéo –, la dame de 73 ans a bien été jetée à terre par un policier qui devait manquer de sagesse. Bilan : deux mois d’hospitalisation. Mais bon, je suis d’accord avec votre ministre de l’intérieur : c’est bien fait pour elle, elle n’avait qu’à pas se trouver là puisque l’endroit était interdit aux manifestants. Même si cette sentence est restée à l’état de sous-entendu, elle était lisible dans ses yeux lorsque le ministre évoqua le sort de la dame. Ne nous laissons pas contaminer par la compassion !
À défaut de manifester sur le macadam, option moins hardie mais plus en harmonie avec l’architecture actuelle de ma personnalité, je manifeste à présent sur traitement de texte et rédige cette missive que je confierai à Internet. Rassurez-vous, ce genre de post, sans photo ni vidéo de chatons – ou de la mère du chaton, version affriolante –, Internet les ensevelit aussitôt. Conscient de sa disparition à brève échéance, je la rédige pourtant cette lettre car j’en ressens l’impérieuse nécessité.
Petit flash-back informatif, sous la forme d’une plongée aux racines de ma déconvenue, histoire de peaufiner ma colère. Si, contre toute attente, elle arrivait jusqu’à vous, ma colère, Monsieur le président, qu’elle vous atteigne à l’apogée de sa splendeur.
Flash-back donc :
Retraité exaspéré : l’origine :
« Baby-boomer » millésimé post deuxième guerre mondiale, dès l’enfance, comme tous mes congénères je fantasmais sur l’an 2000. Durant les « trente glorieuses » (1945 ≈ 1975), les sciences, les techniques et la médecine progressèrent à pas de géant (elles continuent de progresser à très vive allure). La science-fiction s’en donna – et s’en donne toujours – à cœur joie, elle aussi, avec une étonnante clairvoyance parfois. L’humanité sortait d’un second (ou deuxième?) conflit mondial, plus effroyable encore que le premier. Sûr qu’elle avait retenu la leçon ! Désormais s’ouvrait pour elle, affranchie par le progrès venu alléger un grand nombre des servitudes du quotidien et lui apporter le confort, une ère de paix, de prospérité et de liberté qui, joyeuse certitude, trouverait sa plénitude au tournant du troisième millénaire.
Comme elle tardait à venir pourtant, bridée par la volonté de dirigeants vieillissants et rétrogrades, la jeunesse de nombreux pays décida de la conquérir : sa liberté. Tel un tsunami, en 1968 la contestation se propagea à travers la planète. L’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, l’Espagne, les États-Unis, la Tchécoslovaquie, le Japon, le Brésil, le Mexique et, bien sûr la France, furent particulièrement concernés. Les revendications premières variaient d’un pays l’autre selon les spécificités politiques, mais partout la jeunesse voulait s’émanciper de la tutelle d’un vieux monde moribond. La contestation fut diversement jugulée selon les régimes en place. La dictature de Franco n’en fut guère ébranlée (seule la maladie aura raison du Caudillo) ; la répression fut sauvage et sanglante au Brésil et au Mexique ; l’armée soviétique envahit la Tchécoslovaquie.
Au mois de mai 68, en France, la contestation – amorcée le 22 mars – atteignit son apogée. Elle aboutit aux accords de Grenelle, porteurs d’avancées sociales inédites telle une augmentation des salaires de 10 % et du SMIG (l’ancêtre du SMIC) de 35%. Mai 68 engendra une profonde évolution des mœurs et de grands changements sociaux. Dans son sillage, une petite partie de la jeunesse française adopta un mode de vie basé sur le retour à la terre, mode de vie à tendance écologique inspiré des hippies américains. Une partie plus conséquente de cette jeunesse se contenta de s’adonner à un strict entretien de sa santé par les plantes et à un rejet de la société de consommation autre que celle (la consommation) des plantes en question. Certaines conquêtes sociales, initiés dès le milieu des années 60, tel le droit des femmes à ouvrir un compte en banque (1965) ou celui d’utiliser la pilule contraceptive (1967), s’inscrivirent en des prémices soixante-huitardes. Le gain du mouvement s’étoffa durant les années qui suivirent.
Consécration d’un état d’esprit nouveau, en 1974 un candidat écologiste se présenta pour la première fois aux élections présidentielles. Il suscita la moquerie, voire l’hostilité des politiciens professionnels et l’incrédulité populaire puisqu’il n’obtint qu’un score confidentiel : 1,32%. Il eut toutefois le mérite d’alerter sur les dangers qu’une société en perpétuelle expansion, en proie à une surconsommation tant effrénée qu’incontrôlée, faisait courir à l’humanité et à la planète. Il dénonçait la société du gaspillage, de la pollution et de l’urbanisation délirante, constatait – déjà ! – que « La Baltique est une mer morte, la Méditerranée est en train d’agoniser ». Il prédisait la pénurie d’eau potable à venir…
Considérée alors par beaucoup de politiciens comme une lubie, la gestion écologique de la planète est devenue incontournable car vitale aujourd’hui.
En 1975, la loi Veil autorisa l’IVG (interruption volontaire de grossesse). Elle se heurta cependant, au sein même de l’assemblée, à la fureur des conservateurs de tous poils. En 1981, l’abolition de la peine de mort – à contre-courant de l’opinion publique – semblait sortir définitivement notre société de la barbarie.
Au fur et à mesure que se profilait le nouveau millénaire pourtant, les forces réactionnaires – résurgence du vieux monde – souvent liées au grand capital, un temps sonnées par les dernières ondes de choc du récent conflit mondial, retrouvèrent leur superbe. L’écroulement de l’empire soviétique (1991) affermit leur toute puissance retrouvée.
Fin du flash-back.
Retraité exaspéré : l’inquiétant constat du présent :
Depuis quelques années les esprits les plus obtus et les plus rétrogrades parmi les intellectuels français autoproclamés s’acharnent à démolir mai 68 et le populisme d’extrême droite a le vent en poupe dans de nombreux pays.
En se revendiquant des religions ou de l’appartenance à une « race » ou ethnie supposée supérieure ou simplement incompatible avec sa voisine, un peu partout sur la planète, des fanatiques extrémistes de tous bords commettent les pires atrocités. Les guerres, localisées à présent, n’ont jamais cessé.
Une chape d’obscurantisme nauséabond et de bêtise crasse s’est abattue sur l’humanité. Le capitalisme triomphant s’autorise à présent toutes les dérives. En même temps, les mentalités se sclérosent et les revendications réactionnaires s’intensifient sans cesse. La France, jadis patrie des « droits de l’homme » (paraît-il), se recroqueville au fur et à mesure que l’intolérance endémique s’accroît. Le virus de la haine s’est emparé d’une partie de la population dont il annihile progressivement les facultés intellectuelles. Comme le reste du monde, la France s’enconne.
Soucieux de remettre de l’ordre dans le pays et de stopper cette déchéance, sans doute, votre gouvernement veille. Mais, s’il agit, il le fait souvent à contre sens. Est-ce un réel signe d’intelligence démocratique de sa part que d’interdire les manifestations qui ne lui conviennent pas, de multiplier les lois restrictives de liberté sous prétexte de sécurité, de chasser impitoyablement les « sans papiers » accusés (en particulier par cet être improbable, ce parangon de haine qui vocifère à la télévision), d’opérer peu à peu un inévitable « grand-remplacement » ?
Sous la houlette de votre formidable ministre de l’intérieur, encouragées par lui, vos forces de l’ordre se sont considérablement enhardies. Pourtant, dans leur désir de bien faire, dans leur précipitation, vos hommes se montrent parfois maladroits.
Rendez-vous compte qu’un certain nombre d’entre eux, visant sagement le bas du corps des vilains manifestants – comme ils en ont la consigne, je suppose –, atteignent les yeux ! Manque de formation sans doute ? Viser un haut de cuisse ou un mollet s’avère extrêmement difficile. Pas étonnant que les balles en caoutchouc des LBD s’égarent dans ces vastes cibles que constituent les globes oculaires. Peu dangereuses (question d’appréciation) car réputées non létales, elles n’ont entraîné comme pires conséquences que des yeux crevés, des visages défigurés et des mâchoires explosées façon « gueules cassées » de la 14. Peut-être aussi quelques testicules décrochés ?
Les grenades, elles, ont tué :
Une vieille dame qui, au quatrième étage de son immeuble, avait le tort de fermer ses volets lors d’une manifestation, a été la cible d’un policier – sans doute gérontophobe – qui lui a lancé une grenade lacrymogène en pleine face ! « Pan, dans la gueule ! » a dû être son cheminement cérébral en accomplissant ce geste. La dame de 80 ans est bien morte – à l’hôpital – du fait de cette grenade assassine quoi qu’aient pu raconter les autorités pour tenter de maquiller la vérité. Les lacrymogènes ont également gazé quelques milliers de personnes. Quant aux grenades offensives, elles ont arraché quelques mains et quelques pieds, mais elles aussi ont tué. Victime de l’une d’elles, Rémi Fraisse (21 ans), militant écologiste, a laissé sa peau sur la ZAD de Sivens.
Seulement deux conclusions létales recensées lors des manifs. Pas de quoi interdire l’usage de ces armes. En revanche il était indispensable, n’est-ce pas, de prohiber le port des lunettes et des foulards anti grenades lacrymogènes, des casques anti LBD et anti DMP, tous équipements susceptibles de protéger indûment l’intégrité des manifestants. J’ai pleinement conscience du désarroi des policiers démunis, sous-équipés du piètre arsenal évoqué face à la vilenie des manifestants. Les policiers sont les garants de l’ordre, soit. Je ne conteste pas leur légitimité ; mais doivent-ils le maintenir par tous les moyens, en multipliant les « bavures létales » ? Ils ont aussi la lourde tâche – le plus souvent ils l’ignorent – de garantir l’intangibilité ancestrale de la pyramide sociale. Car il est dans l’ordre des choses depuis la première organisation sociale, que les riches deviennent de plus en plus riches, que les pauvres s’appauvrissent sans cesse. Où irait le monde sinon ? La police, à son insu, veille à cette « stabilité ». Que les idéalistes et les pauvres ferment leur gueules ! Ainsi va le monde et notre énergique président n’entravera pas sa marche, qu’on se le dise !
Quant à moi, bien qu’en total désaccord avec cet « état de fait », je ne souhaite pas exposer au zèle et à la maladresse de vos « forces de l’ordre » le siège de ma lucidité car l’éventualité de subir un choc caoutchouté à la base du crâne pour cause de manifestation pacifique m’est intolérable.
Comme déjà évoqué j’ai perdu l’espoir de connaître une société juste, solidaire et pacifique. Pour cause d’optimisme persistant je crois toujours à son avènement, mais pas pour tout de suite. Loin s’en faut ! Quelques siècles, voire quelques millénaires, s’écouleront avant qu’une majorité suffisante des habitants de la planète – s’il en reste –, à l’issue d’une lente maturation, voire d’une profonde mutation des esprits, atteigne le niveau de lucidité, d’éducation et d’empathie nécessaires à l’établissement d’une société débarrassée des magouilles politiques et financières qui vérolent l’humanité. Mais quelque chose a dû merder dès l’origine de l’humain. Alors… C’est pas gagné !
La partie lucide de l’humanité travaille à une transformation des comportements qui doit – condition sine qua none – préserver l’aptitude de la Terre à héberger la vie. Dernier signe en date de cette mobilisation naissante : un peu partout sur la planète un vent de fraîcheur souffle à la gueule frelatée du vieux monde car nombre de jeunes, voire d’enfants et d’adolescent(e)s se mobilisent pour exiger des gouvernements qu’ils prennent d’urgence les mesures nécessaires pour y parvenir.
Pendant ce temps sur tous les continents, en plus des mafias, des politicards opportunistes associés à des affairistes sans scrupule, sans états d’âme, sans empathie et sans morale, s’obstinent à se goinfrer d’argent et de pouvoir au détriment de peuples qu’ils exploitent, qu’ils oppriment ou exterminent, d’une faune qu’ils déciment, d’une planète qu’ils saccagent. Le devenir de leur propre progéniture ne semble pas les concerner. « Après moi le déluge » constitue leur unique credo. Contre toute raison, ceux-là pensent constituer l’élite de l’humanité !
Oui, il faudra beaucoup de temps avant d’éradiquer totalement cette vermine mais je crois en la possibilité qu’émerge un jour une gestion politique de la société qui ne soit pas partisane mais altruiste, honnête, soucieuse du bien public et de justice. Utopie de vieux baba cool un peu con sur les bords et en voie de sénilité ? J’entends d’ici les railleries acérées des sceptiques qui ne manqueront pas de me traiter de « Bisounours » (pour les plus polis et les plus indulgents), les injures haineuses de ceux qui ne veulent surtout pas que ça change. Il faudra bien pourtant que cela arrive un jour si l’Humain ne veut pas s’éradiquer prématurément de la planète. Les dinosaures, eux, ont su préserver leurs espèces durant quelques 165 000 000 d’années. L’Humain serait-il plus con que les dinosaures ?
— En quoi votre état des lieux singulier, votre inventaire à la Prévert, me concerne-t-il ? Vous ne me tenez quand même pas pour principal responsable du fiasco de l’espèce humaine ?
M’objecteriez-vous, incrédule si vous aviez connaissance de ces lignes.
Principal ? Non.
Retraité exaspéré : la désillusion :
L’animal humain, doté de conscience et capable de choix réfléchis, peut toutefois s’émanciper de cette fatalité. Il le doit même, s’il veut durer. Socialement, il lui faudra éviter de réitérer les aberrations de communismes dévoyés comme celles de nationalismes et de libéralismes délirants, toutes voies qui mènent inévitablement au totalitarisme. Il lui faut trouver pour cela les bonnes alternatives à ce jeu de dupe présenté comme une fatalité. Cela prendra vraisemblablement beaucoup de temps.
L’immense progrès qu’a apporté l’informatique dans le domaine de la communication et de la connaissance, lorsque les individus les plus rétrogrades (dopés par un usage perverti de l’Intelligence Artificielle) cesseront de le dévoyer à grand renfort de « fake news » et de haine, lorsque les pouvoirs financiers et politiques cesseront de vouloir le contrôler à leur profit, cet immense progrès devrait contribuer à affranchir les individus sans toutefois niveler les êtres.
Que l’on refuse de se laisser happer par ce système, que l’on puisse, par choix, prendre une direction autre que la « voie royale » de la domination sociale et financière version « premiers de cordée », pouvez-vous le concevoir ? L’imagination « libérée », la vie épanouie hors contexte du pouvoir et de la finance, pouvez-vous envisager une telle fantaisie ? Cette éventualité fut à l’ordre du jour en mai 68. Cette « discipline » ne doit pas figurer au « cahier des charges » de l’ENA, je présume ? Sinon vous ne mépriseriez pas à ce point « ceux qui ne sont rien ». Savez-vous que notre société se compose d’une multitude d’univers parallèles ? Je ne verse pas dans l’ésotérisme quand j’évoque des « univers parallèles », je parle bien d’humains qui, tous, composent le peuple de France mais ont des modes de vie multiples et variés. Éloignés parfois de toutes visions mercantiles, ils se regroupent par affinités, portés par des goûts semblables, mus par des aspirations communes. Le plus souvent, leurs « sphères » ne se rencontrent pas, ou peu. L’entre-soi n’est pas réservé aux « aristocrates de la finance » ni aux communautés religieuses.
Votre fonction de président ne consiste pas à tenter d’uniformiser tous ces mondes, de les inféoder bon gré mal gré au système, d’en faire les serviteurs obligés de la croissance à tous prix, cette hérésie que soutiennent les lobbies. Votre rôle consiste, au contraire, à harmoniser la société dans le respect des différences. L’élection présidentielle n’intronise pas un Guru que le peuple se doit de vénérer, elle désigne une autorité – bienveillante de préférence – qui se doit de servir au mieux le peuple de France. Jupiter n’a pas sa place dans une démocratie. La plupart de vos collègues politiciens, tout comme vous, semblent avoir oublié qu’ils sont là par la volonté du peuple (ou des grands électeurs) pour servir le peuple et non pour l’asservir, et surtout pas pour se servir au détriment du peuple. « Liberté Égalité Fraternité », c’est bien la devise de la France ? Cette France que vous laissez brader – soit dit en passant – en vendant au plus offrant ses infrastructures les plus essentielles tels ses aéroports. Rappelez-vous l’arnaque des autoroutes financées par nos impôts et que nous payons une seconde fois lorsque nous les empruntons ! Ces autoroutes qui devaient devenir gratuites d’accès dès qu’elles seraient remboursées, c’est-à-dire après une trentaine d’années ! Donc depuis une trentaine d’années à présent. Vous n’avez pas retenu la leçon ? Ou vous l’avez trop bien retenue ?
Retour à la casse… pardon ! À la case sociale. Je ne puis que m’indigner face à votre attitude envers le « peuple » en général, les retraités et les chômeurs en particulier. De votre ami Sarkozy vous paraissez partager la même détestation de l’héritage de mai 68. Sans vouloir vous donner de leçon, renseignez-vous sur les grandes avancées sociales obtenues en mai 68 ou issues des prémices puis de l’onde de choc de la déferlante soixante-huitarde (certaines évoquées plus haut). Oups ! Bon sang mais c’est bien sûr ! Qui dit avancées sociales implique nécessairement perte d’influence – et d’argent – de la « classe dominante » qui ne l’a toujours pas digéré ! Un demi-siècle plus tard, vous espérez calmer la colère populaire en accordant aux travailleurs les plus démunis une aumône de 100€ ? Mieux encore, vous persistez à prétendre qu’il serait déraisonnable d’augmenter le SMIC !
Après avoir supprimé l’impôt des plus riches (ISF) – décision on ne peut plus raisonnable sans doute ? –, vous avez cru bon d’augmenter la CSG pour les retraités (mais pas le montant des retraites, ou si peu). Ces mesures ne constituent-elles pas une violente « attaque frontale » des retraités ? Dans la même veine et pour une autre « clientèle », comble de la mesquinerie vous avez envisagé de supprimer 5€ à l’APL. Ne comprenez-vous pas qu’après la suppression de l’ISF, ces mesures puissent choquer et énerver les plus placides des citoyens ? Sauf ceux de la classe dominante, ceux qui aspirent à en être ou ceux qui s’imaginent en être, bien sûr. Loin de moi l’idée de vouloir vous inquiéter, mais prétendre gouverner en monarque autoritaire, de façon arbitraire et injuste, un peuple qui, exaspéré, a, dans un mouvement d’humeur, étêté l’un de ses derniers roi, me paraît assez peu judicieux.
Les chômeurs qui n’ont « qu’à traverser la rue » ! J’y reviens. Décidément ça ne passe pas. Quel profond mépris vous avez pour ceux qui ne sont pas « premiers de cordées » ! Élevé en « milieu protégé », vous n’en êtes jamais sorti. Vous ne connaissez « la France d’en bas » (Raffarin – cet autre méprisant – dixit), où végètent « ceux qui ne sont rien » que par ouïe dire – ou lecture faite. Assurément vos grandes écoles ne vous ont appris ni à nuancer vos paroles, ni à en calculer l’effet. Vos partisans, promus linguistes pour l’occasion, ont eu beau ramer pour adoucir la portée de l’expression : « ceux qui ne sont rien », ils n’ont pas convaincu. Le fait même que vous ayez pu, sans malice semble-t-il, proférer de tels propos, dénote un état d’esprit… particulier. On vous dit intelligent ; il est invraisemblable que vous n’ayez perçu ni la charge de mépris, ni la tonalité insultante que recèle la formule. Vous confirmez ainsi la piètre opinion que vous avez de ceux qui n’appartiennent pas au « Who’s Who » de la république, puisqu’il vous semble naturel de considérer que certains humains « ne sont rien ». Vous confondez aussi le rôle social que peut avoir une personne avec la nature de la personne. Savez-vous ce que signifie rien ? C’est l’expression même du néant. Oser dire de quelqu’un qu’il n’est rien dénote à la fois une absence totale d’empathie et une singulière boursoufflure de l’ego ! Je voulais dire rien socialement, m’objecteriez-vous. Voici, en son intégralité, la phrase que vous avez proférée :
« Ne pensez-pas une seule seconde que si demain vous réussissez vos investissements ou votre start-up la chose est faite, non, parce que vous aurez appris dans une gare et une gare c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ».
Outre son hermétisme, la phrase est d’une violence inouïe. Que signifie « vous aurez appris dans une gare » ? Il faudra que je me renseigne auprès de la SNCF. Il n’en demeure pas moins que vous opposez « les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien » ! En tentant de décrypter la phrase, j’en déduis tout d’abord que la seule réussite possible, pour vous, consiste à se hisser au sommet de l’échelle sociale, financièrement parlant, et de s’y maintenir coûte que coûte ? J’y vois poindre ensuite un mépris sous-jacent à l’égard de ceux qui, transgressant l’ordre établi, seraient – financièrement toujours – parvenus au sommet de la « pyramide » sans faire allégeance à la classe dirigeante. Vous les avertissez solennellement : « Ne pensez-pas une seule seconde… que… la chose est faite ». « Parce que vous aurez appris dans une gare » : vous opposez sans doute la « gare » à l’ENA et autres grandes écoles ? « Vous aurez appris dans une gare » équivaut vraisemblablement pour vous à l’expression : « apprendre sur le tas » ? Quoi qu’il en soit – j’y reviens –, vous n’avez pas dit « rien socialement », vous avez dit rien (tout seul) et cela n’est pas rien, justement ! Ceci dit un « rien socialement », s’il peut paraître moins violent, se montre tout aussi méprisant. Et qu’aucun linguiste partisan ne vienne me contredire et m’échauffer les oreilles ! Je ne suis pas d’humeur ! En me remémorant vos formules à l’emporte-pièce du style : « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas » Sous-entendu : ils sont incapables de gérer, voire : ils sont complètement cons. Autre musique pour les riches : « Les riches, ils ont pas besoin d’un président. Ils se débrouillent très bien tout seuls. » (Sous-entendu : eux ne sont pas des assistés, comme le sont tous les autres). Si les riches n’ont pas besoin d’un président, pourquoi leur avez-vous apporté une aide précieuse (c’est le cas de le dire) en supprimant l’ISF ?
En me remémorant vos formules à l’emporte-pièce – disais-je – la colère, l’indignation, l’exaspération me sautent à la gorge ! Ça fait du monde. Bon… Reste zen, petit retraité insignifiant qui n’est « rien » aux yeux d’un Jupiter en majesté (qu’est-ce que vous m’obligez à écrire comme conneries !) et poursuis ta litanie. Si elle peut lasser un lecteur imprudent qui se serait égaré dans ces lignes (la phrase est valable au féminin), elle agit sur toi comme une potion bienfaisante, apte à re-stabiliser ta « zénitude » ébranlée.
Vous vous en prenez particulièrement aux retraités – poursuis-je – parce qu’ils n’ont pas la possibilité de se défendre, pensiez-vous. Une grève des retraités ? Quelle blague ! Des manifs de retraités ! Je demande à voir ? Et bien regardez : seuls ou parmi les gilets jaunes, ils ont osé et osent toujours manifester ou prendre la parole. Votre calcul est machiavélique : haro sur les retraités « boomers », parasites privilégiés de la société ! Ceux-là vont, de toute façon, disparaître à court terme. La pandémie qui a sévi en 2020 vous a vraisemblablement apporté une aide précieuse dans l’élaboration de votre réforme des retraites. Mais les retraités, sauf Alzheimer, n’ont pas forcément la mémoire courte et ne sont pas tous morts de la Covid. Il est à craindre, hélas, que certain(e)s d’entre eux (elles), écœuré(e)s par votre mépris, aient voté pour la « madone des Routes Nationales » aux présidentielles de 2022. Hein ? RN signifie ici Rassemblement National, pas Routes Nationales ? Tant mieux, je craignais pour la mythique Nationale 7. Les actifs actuels, futurs retraités, remontés par vous contre les intolérables privilèges de ces anciens qui ont grassement vécu l’âge d’or des trente glorieuses, ne pourront, quant à eux, qu’accepter sans rechigner le traitement drastique que vous leur réservez sous peine de se renier. Sordide calcul s’il en est ! Aussi, sans vous laisser intimider par les manifestations monstres qui s’opposaient à votre réforme, sans tenir compte de l’écrasante majorité de Français qui y était défavorable, vous avez envoyé au front votre première ministre de combat qui, à coup de 49/3 a su juguler la volonté du peuple.
Votre conception du « gouverner autrement », loin de me surprendre, me rappelle vaguement quelque chose. Diviser pour régner, la recette à succès a déjà servi, non ? Vous l’appliquez avec un réel talent. Un climat résolument malsain s’est répandu à travers le pays depuis votre accession au pouvoir. Avec vos invectives et vos décisions à l’emporte-pièce, vous avez attisé – sinon instillé – la haine ; et je pèse mes mots. La haine envers les journalistes tout d’abord : « nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité» affirmâtes-vous avec virulence. Dans cette phrase vous englobez volontairement toutes les presses, sans distinction. L’anathème jeté, il a fait son chemin dans les esprits les plus vulnérables. LA presse tout entière est à présent la cible d’un déchaînement de haine sans précédent. Était-ce là votre but ? Quelques mois plus tard vous avez déclaré : « je n’accepte pas la mise en accusation générale, par exemple des médias, des journalistes… ». Laquelle de ces deux déclarations contradictoires faut-il croire ? Vous vous divisez vous-même, semble-t-il ?
Diviser pour mieux régner… Je ne sais si vous vous inspirez de Machiavel (Le Prince) ou de Tullius Détritus (Astérix, la zizanie) mais votre réussite est indéniable. Vous opposez implicitement l’élite des « premiers de cordée » (quelle expression ampoulée lorsqu’on l’arrache à sa montagne !), auréolés de tous les prestiges, au commun de la population – engluée, à vos yeux, dans une médiocrité crasse, je suppose ? –, les actifs aux chômeurs, coupables de ne pas « traverser la rue » et aux retraités – ces privilégiés souvent trop payés, insinuez-vous. Bref : les jeunes aux vieux, les riches aux pauvres, les citadins aux campagnards… Sans oublier l’apothéose : une bonne partie du peuple mécontent à vous-même ! Dans une moindre mesure, vous nous la jouer à l’américaine, façon Trump – ex président US et qui risque de le redevenir !
Votre culte des actifs élimine et condamne tous ceux auxquels vous refusez ce statut. Bizarrement, les spéculateurs de tous poils qui s’enrichissent indécemment sur le dos de travailleurs le plus souvent sous-payés, sans rien faire d’autre que jongler avec la finance, ces prédateurs, vous ne les blâmez pas. Ha, ils vous ont particulièrement réussi vos formateurs ! Ils ont su peaufiner avec talent les œillères du capitalisme débridé dont ils vous ont affublé. Vous ne percevez même pas, semble-t-il, ses débordements. Mieux, ils vous ont déshumanisé. Le constat serait risible s’il ne menait droit à une catastrophe par trop prévisible au niveau mondial. Que 26 milliardaires possèdent autant que les 3 milliards d’humains les plus pauvres de la planète et que les gouvernants de toutes les nations l’acceptent sans même s’en offusquer ne pourra durer indéfiniment sans que les peuples réagissent. Ce constat ahurissant ne semble pas vous scandaliser. Ma foi, business is business, n’est-ce pas ? À ce titre vous n’avez aucun scrupule à pratiquer sans état d’âme – comme vos prédécesseurs, je vous le concède – la « realpolitik ». Brader les « droits de l’homme » n’a pas l’heur de vous émouvoir si cela permet de vendre des armes à des régimes autoritaires qui s’en servent pour éliminer tous ceux qui les gênent ou de se fournir en pétrole et gaz auprès d’eux. Comme tous vos prédécesseurs, oui, mais vous aviez promis de gouverner « autrement » et on pouvait attendre d’un nouveau venu en politique qu’il soit moins machiavélique que ceux qui en font métier depuis des décennies. Quant à l’écologie et la santé publique, elles attendront. Il ne faut pas contrarier les lobbies pétroliers et pharmaceutiques, ni ceux de la chasse ou du vin, toutes organisations extrêmement puissantes. Défendre les lobbies peut mener au ridicule pourtant : « Le vin n’est pas un alcool comme un autre », a affirmé votre ministre de l’Agriculture ! Il faisait allusion, je suppose, à la place privilégiée qu’occupe la vigne dans la culture ancestrale de la France ; mais quand même ! Combien de verres en avait-il bu pour oser une telle énormité ? On pourrait croire à une simple maladresse si, en ce « dry january » (mois de janvier sans alcool) l’état qui fut actif dans les campagnes antialcooliques jadis, influencé par les lobbies du vin, ne se distinguait par sa non-participation remarquée à cette action.
Je pourrais aussi évoquer vos timides tentatives d’actions écologiques, bridées, elles aussi, par les lobbies. Permettez-moi de vous le rappeler : vous êtes là pour servir le peuple et non pour l’asservir et n’avez aucun compte à rendre aux lobbies. Vous voulez gouverner « autrement » ? Alors, émancipez-vous de leur tutelle.
Voilà, exprimés en vrac, quelques-uns des griefs qui motivent ma colère. Le panorama n’est pas exhaustif. Il y faudrait un livre, que je n’ai pas à vous consacrer. Je ne suis spécialiste en rien et n’apporte aucune solution, j’en conviens, mais d’autres le font pour moi en matière d’écologie, d’économie, d’organisation sociale… Plutôt que de persévérer dans la voie de la casse sociale, écoutez ceux qui proposent des solutions positives, bénéfiques pour notre société. Parti de la promesse d’un équilibre « et de droite et de gauche », force est de constater le coup de barre à droite toute que vous avez donné à votre politique. Votre ministre de l’intérieur a même taxé la générale en cheffe des RN de mollesse ! Sarkozy ridiculisé, réputé « petit bras », lui qui n’avait pas même osé supprimer l’ISF ! Effectivement votre politique est bien « et de droite et de droite » et tourne le dos au progrès dont vous vous revendiquiez.
Vous voulez gouverner autrement ? Mais alors vraiment autrement ?
J’ai une idée révolutionnaire à vous suggérer :
Un certain multimilliardaire français est à la tête d’une fortune estimée à 203 milliards en €. La France compte, disons 68 000 000 d’habitants. Si ce Monsieur donnait 68 000 000 € à l’état, que l’état redistribuait 1 000 000 € à chaque Français (peut-être pas aux déjà milliardaires), il resterait encore à ce Monsieur quelque chose comme 202 milliards et un paquet de millions. Confortable, non ? Quant aux Français, dotés d’un million d’€ chacun, ils auraient de quoi organiser au mieux leur vie.
Hein ? Oui, je me suis laissé emballer, emporté par mon rêve, mon désir d’une plus grande équité. En effet l’idée était révolutionnaire puisqu’elle transforme 1€ en 1000 000€. En fait, ça ne ferait que 1€ par personne. Les chiffres et les lettres : si j’ai penché côté lettres je suis tombé côté chiffres. Ceci dit l’idée d’une bien meilleure répartition et redistribution financière est à creuser, sachant qu’il y a plus de quarante milliardaires en France. Si chaque citoyen disposait d’un pécule décent qui lui permette de bien « démarrer dans la vie » (bien que la vie ne soit pas une course automobile) le pays se porterait beaucoup mieux.
Je vous entends d’ici rétorquer : si, selon votre calcul erroné, chaque Français disposait de 1000 000€, plus personne ne voudrait travailler ! Votre idée était non seulement fallacieuse mais qui plus est grotesque !
Je vous répondrais : détrompez-vous : toutes celles et ceux qui pratiquent des métiers passion ou simplement des métiers qu’ils aiment continueraient vraisemblablement à travailler (il suffit de constater combien sont angoissé(e)s à la perspective du « vide existentiel » qu’ils associent à la retraite). Celles et ceux qui pratiquent des métiers de merde (ces métiers qu’aucun Français ne veut plus exercer parce qu’ils sont trop dur physiquement et trop mal payés, ceux pour lesquels l’éventualité de régulariser des sans-papiers indigne tant la droite) ou des métiers déconsidérés, qui, bien que « nobles », sont « méprisés par l’état », celles et ceux-là risqueraient fort de cesser leur activité. Peut-être conviendrait-il de rendre ces métiers plus attractifs ? Revoir, de fond en comble les conditions de travail.
Il est fort probable aussi que le taux de délinquance baisserait.
Alors ? On y va ? On tente l’expérience (en « grappillant » sur les excès de fortunes des milliardaires) de donner à chacun une chance en assurant un pécule minimum qui soit malgré tout confortable et on fait le bilan ensuite ? Non, bien sûr car cela remettrait en cause cet ordre social pour lequel – et par lequel – vous avez été… « labellisé » (De plus je ne suis pas certain que les milliardaires ainsi ponctionnés apprécient, malgré leurs immenses fortunes, cette contribution forcée au bien-être du pays). Une sorte d’impot directement redistribué aux citoyens. Mais j’arrête là mon délire utopique forcené car vous ne pouvez pas le comprendre. Si vous avez supprimé l’ISF ça n’est pas pour le rétablir et qu’en plus il aille directement dans la poche des citoyens! Vos compétences s’inscrivent « dans » et vraisemblablement se limitent « à » la sphère capitaliste dont vous ne pouvez que respecter les codes. Ainsi vous ne trouvez sans doute pas anormal qu’un footballeur (certes de talent) gagne infiniment plus qu’un chercheur (même de talent). Telle est la conformation de votre sphère intellectuelle, il n’y a pas à y revenir. Vous ne pouvez pas en revenir. Vos propos sur les « premiers de cordée » et « ceux qui ne sont rien » attestent de cette impossibilité. Qui plus est vous ne souhaitez vraisemblablement pas en revenir.
Conscient de la défiance grandissante des Français à l’égard de votre politique intérieure, vous vous investissez de plus en plus sur la scène internationale. L’état préoccupant du monde vous en donne la légitimité. Il faut convenir que vous vous démenez pour tenter, mais en vain, d’y restaurer l’influence de la France. La tâche n’est pas aisée, je vous le concède. Vous devez parfois faire trois pas en avant puis deux (voire quatre) en arrière. La gouvernance du monde semble d’ailleurs vous intéresser infiniment plus que celle de la France. Vous regrettez pourtant la règle du : « pas plus de deux mandats présidentiels », dit-on. Peut-être envisagez-vous de la changer ?
Ou si, l’addiction au pouvoir aidant, vous vous envisagez « premier président du monde » ?
Pendant ce temps votre gouvernement bascule et glisse tellement vers la droite que, l’habitude aidant, le pays risque de se réveiller à l’extrême droite aux prochaines présidentielles.
Mais revenons-en à mon propos :
Bien que vous fassiez tout pour nous la rendre difficile, à mes pairs retraités et à moi-même, loin du marasme social dans lequel vous avez plongé le pays, je garde, intacte, mon aptitude à goûter les saveurs de l’existence. Afin de ne pas gâcher cette ultime séquence de ma vie où je n’ai plus à travailler comme un con pour la gagner mais où je peux me contenter de la vivre et d’en savourer à ma guise les aspects les plus agréables, pleinement et librement – tant que ma santé m’en accordera le loisir –, permettez-moi d’exprimer ici mon vœu le plus cher et, vraisemblablement, celui de nombreux retraité(e)s : laissez-nous vivre en paix !
(J’ai failli écrire « foutez nous la paix ! » mais m’en suis abstenu, vu votre susceptibilité)
Au fait, je ne porte jamais de costard ni de cravate car tel est mon projet.
(« Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler» avez-vous dit)
Un retraité exaspéré
JPM
PS : Comme beaucoup de nos concitoyens attentifs, j’ai eu échos de vos vœux télévisés pour 2024. Tombé sous le charme de votre verbe, convaincu par vos propos nuancés qui soulignent la justesse, l’inégalable efficacité et la grande mansuétude des réformes que vous avez entreprises et de celles que vous allez entreprendre, je mesure à présent l’inanité de ma démarche. Pardonnez moi donc cette lettre irresponsable qui ose remettre en question certaines orientations de vos excellents quinquennats. Croyez bien que le petit retraité insignifiant se repent. Cependant, comme elle est écrite cette lettre, ne serait-ce que pour témoigner de l’égarement irresponsable dans lequel peuvent sombrer nombre de citoyens hostiles à votre action pourtant exemplaire, je me dois de la publier.
Eh bien non, votre numéro d’autosatisfaction télévisé ne m’a nullement convaincu ! Pas plus que votre « nouveau » gouvernement millésime 2024, purgé des quelques ministres qui avaient encore des velléités de justice sociale. Je me suis livré, dans ce post-scriptum, à un numéro de flagornerie tout à fait insincère.
Désolé, je ne suis candidat à aucun ministère.
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